Fabriqués essentiellement dans la ville serrurière de Nuremberg, les coffres de corsaires – également appelés coffres de Nuremberg ou encore coffres de Marine – furent produits en grand nombre au XVIIe siècle aux grandes heures de la Course. Cette dernière, bien connue des amateurs de piraterie, était une pratique de la guerre maritime consistant, de la part d’un belligérant, à donner à de simples particuliers l’autorisation d’armer en guerre des navires de commerce pour courir sus aux navires d’un ou de plusieurs adversaires.
Coffre de Nuremberg : les coffres-forts des corsaires
Inspirés du coffre-fort terrestre, le coffre de Nuremberg permettait de conserver l’or, les pièces d’argent constituant la paie des matelots mais surtout de protéger les documents papiers précieux tels que les cartes maritimes, les chartes parties (l’acte faisant preuve de la conclusion d’un contrat d’affrètement maritime) ou encore les connaissements (la déclaration contenant un état des marchandises chargées sur un bateau) des dégâts du feu ou des rats.

Il y a quelques années, nous présentions ce coffre en fer bardé et clouté, peint de motifs d’arabesques et de fleurs sur toutes ses faces. Aujourd’hui exposé au Palais du Recteur de Dubrovnick en Croatie, ce coffre est doté d’un système de serrures à sept pênes. Les tiges des deux solides poignées latérales ont été engagées à chaud et sont donc indémontables. Elles sont torsadées en leur milieu puis repliées à chaque bout en position horizontale.

De cette manière, les poignées une fois levées se bloquent sur les parois latérales évitant aux porteurs de se coincer les mains. En façade, les pattes mobiles ciselées de chevrons font office de mortaise venant s’engager dans les anneaux du couvercle. Une tringle pouvait ensuite être enfilée dans les anneaux et cadenassée en bout. Cette précaution supplémentaire s’explique par la nature capricieuse du système de serrures à commande centralisée qui, malgré un graissage régulier et soigneux, pouvait parfois faiblir face à la corrosion marine. La tringle assurait au propriétaire une protection supplémentaire.

Toujours pour garantir son inviolabilité, le coffre était fixé par le fond sur le plancher de la cabine du capitaine. Cependant, ce type de coffre n’ayant pas été employé exclusivement sur les navires, il pouvait tout aussi bien être boulonné aux poutres du plancher d’un château.
Coffre de marine : des serrures astucieuses pour garantir la sécurité
Une entrée de serrure feinte en fer martelé à forme de coquille, de rosace ou feuillagée était régulièrement appliquée sur la face avant du coffre. Elle avait pour seule utilité de décourager les éventuels voleurs : s’essayer à forcer une telle serrure se révélait impossible puisque le véritable système d’ouverture se situe ailleurs ! C’est sur le couvercle que l’on accède à la véritable serrure au moyen d’une touche secrète permettant de dégager l’entrée de la serrure, en soulevant délicatement un faux rivet.
Le système de serrurerie est toujours positionné au revers du couvercle et sur toute sa superficie. Les sept pênes de notre coffre s’actionnent en un tour de clef laquelle est un anneau à tige pleine au panneton à deux pertuis crénelés. Le coffre est ensuite maintenu ouvert grâce à une barre de fer et ce système se retrouve sur tous les coffres de Nuremberg.

L’intérieur était régulièrement doté d’un petit coffre soudé au bardage métallique. Au revers du couvercle sur les coffres les plus ornés, le système de serrure se dissimulait derrière un paravent ornemental ajouré en métal ciselé à motif floral et souvent gravé de la date de fabrication du coffre. Le décor généreux de ces paravents (probablement rapportés) doit être mis en relation avec le goût de la période qui les ont vu naître.

La majorité de ces coffres ont été fabriqués en Allemagne puis décorés en Hollande mais l’Espagne (notamment la ville serrurière de Tolède) et la France en ont également produit dans le même goût, ce qui peut expliquer la récurrence des motifs floraux et végétaux sur ces objets.
Aujourd’hui, la rareté des systèmes de serrurerie en parfait état de fonctionnement fait de ces coffres de véritables objets de curiosité, raison pour laquelle celui que nous proposions a rapidement été acquis par le musée de Dubrovnick.
Marielle Brie
Historienne de l’art pour le marché de l’art et les médias culturels.
Auteure du blog Objets d’Art et d’Histoire
L'auteur, pour la Maison Pipat :
Marielle Brie est historienne de l’art pour le marché de l’art et de l’antiquité et auteur du blog « Objets d’Art & d'Histoire ».
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