Les sièges provençaux et l’influence du XVIIIe siècle

Le XVIIIe siècle, notamment dans sa seconde moitié, est une période faste pour le mobilier provençal. Imprégnés du mouvement rocaille, les meubles déclinent des motifs animés avant de s’assagir avec le style Louis XVI, notamment sur les sièges, depuis les chaises jusqu’aux banquettes et canapés. Les deux styles cohabitent non seulement en haute et basse Provence mais cette vaste région méridionale bénéficie aussi de l’influence italienne, celle de Gênes en particulier. 

Couleur et mouvement sont davantage propres à la basse Provence, moins soumise que la région haute à la rigueur du climat et à la géographie accidentée. Si les deux s’accordent sur des sièges souvent d’une grande sobriété, solides et fonctionnels, il faut reconnaître dans la région maritime un entrain plus joyeux, ainsi qu’une souplesse aussi confortable qu’agréable aux yeux. 

Le bois est choisi dans des essences locales. Soit en noyer, soit en fruitier, en mûrier, en hêtre, chêne ou peuplier, il peut être peint ou rechampi mais il est souvent préféré au naturel et bien ciré. 

Traditionnellement, le fauteuil (dit fautuei), la chaise (ou cadiero) ou la banquette (dite aussi radassié) sont paillés et de forme trapézoïdale. Souvent, l’assise profonde et basse est particulièrement confortable, d’autant plus si elle est garnie d’un épais coussin. 

Quelques typologies se démarquent du mobilier classique :

Fauteuils « à la bonne femme »

Ce sont les plus grands fauteuils, très larges, ils sont réservés aux femmes âgées qui peuvent s’appuyer sur les accoudoirs pour leurs ouvrages de couture. Ils sont traditionnellement placés très proches de l’âtre.

 

 

Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle
Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle

Le radassié ou radassier provençal

Banquette paillée à trois ou quatre places, le radassié semble être fabriqué à partir de l’assemblage de trois ou quatre fauteuils collés les uns aux autres ! Les accoudoirs délimitent chaque espace et son dossier reprend les caractéristiques des fauteuils traditionnels à trois ou quatre bandeaux légèrement chantournés. Les radassiés – dont le nom n’est pas particulièrement flatteur pour celles qui y prennent place – étaient placés face à la cheminée, encadré par les fauteuils « à la bonne femme ». 

Les chaises de nourrice

Elles sont reconnaissables au premier coup d’œil avec leur très haut dossier qui permet à la mère de s’appuyer pleinement tandis que l’assise basse lui permet d’étendre ses jambes. 

Les fauteuils bas

Dans les cuisines ou près de la cheminée, on trouvait aussi de très larges fauteuils à l’assise très basse, d’une trentaine de centimètres de haut seulement. Ces fauteuils, convenant aux personnes âgées, étaient généreusement garnis de coussins et sont aujourd’hui particulièrement recherchés pour leur confort qui convient aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur lorsque reviennent les beaux jours. 

Large fauteuil provençal, XIXe siècle
Large fauteuil provençal, XIXe siècle

Si le mobilier se distingue par différentes styles – celui d’Arles ou de Fourques notamment – on peut avancer que les sièges sont généralement plus épurés que le style d’Arles, plus proches de celui de Fourques mais encore davantage empreints d’un goût sobre et populaire qui font tout leur charme. 

Ainsi, les dossiers peuvent présenter des moulures ou des sculptures mais plus généralement sobres, moulurés à forme de bandeaux faits de volutes affrontées. Les montants en bois à forme de fuseaux sont souvent couronnés d’une olive.

Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle
Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle

Les pieds, également sobres, sont conçus dans le même goût que les montants ; ils laissent apparent, au niveau de la console d’accotoir, les montages en détails fins et élégants.

Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle
Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle

Les assises paillées, caractéristiques du fauteuil provençal

S’il est bien une constante dans les sièges provençaux, c’est l’assise paillée. Cette dernière est – quasiment – la norme pour les fauteuils, chaises et banquettes. Elle se singularise pourtant par l’influence qu’eut l’Italie, et plus précisément Gênes – sur la Provence. Si le mobilier peint ou coloré pouvait s’avérer coûteux pour l’usage populaire ou rustique, la technique du paillage permettait d’amener un peu de couleur grâce à un tressage ou un nouage en paille de seigle.

Large fauteuil provençal, XIXe siècle
Large fauteuil provençal, XIXe siècle

Souvent dans les angles, le paillage polychrome relève d’une pratique et d’un goût tout italien. Seule la paille de seigle permet d’obtenir ce résultat après qu’on l’ait faite trempée dans un bain de teinture. Chaque brin étant unique, il présente des nuances qui le sont tout autant et permettent véritablement de singulariser le siège. Régulièrement verte ou rouge, la paille de seigle est tressée pendant le paillage pour créer un rythme. La teinture végétale au XVIIIe et dans la première moitié du XIXe siècle était pour ce mobilier un coup supplémentaire et sa résistance à la lumière dépendait de sa qualité. Raison pour laquelle les assises des fauteuils paillés provençaux ne sont jamais entièrement colorés.

Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle
Paire de fauteuils provençaux, fin XVIIIe / début XIXe siècle

Marielle Brie de Lagerac
Historienne de l’art pour le marché de l’art et les médias culturels.
Auteure du blog Objets d’Art et d’Histoire