Écran à main : un objet aussi rare que curieux

Sa fragilité lui a souvent valu de ne pas supporter l’épreuve du temps, tout comme l’éventail son plus proche parent. Si leur usage est très similaire, il n’est pourtant jamais concomitant. L’éventail rafraîchit pendant les chaudes journées d’été tandis que l’écran à main protège de l’ardeur d’un feu de cheminée.

Restreint à un usage privé, l’écran à main fut moins l’objet d’une attention aux matériaux et aux motifs que ne le fut l’éventail. Cela n’empêcha pas qu’on en fabrique de fort jolis !

Ordinairement, l’écran était fait de papier ou de soie mais sans conservation précautionneuse dans un étui, il devenait bien vite la victime impuissante de l’humidité, des insectes ou des rongeurs. Sa fragilité était paradoxalement le défaut de sa qualité : puisque l’écran à main permettait de se protéger de la chaleur et des étincelles du feu, il en était aussi la première victime. C’est pourquoi on préférait aux tissus précieux l’emploi du papier qui pouvait être commodément changé. La soie était pourtant toujours préférée pour les objets les plus raffinés.

Ces risques et accidents qui menaçaient ainsi les fragiles écrans sont aussi une des raisons de la rareté de ces objets. Les écrans à main finissaient bien souvent leur vie dans l’âtre de la cheminée, car une fois le papier ou le tissu brûlé par une étincelle ou déformé par la chaleur (ou tout simplement passé de mode), la propriétaire jetait l’écran au feu, conservant uniquement son écrin et son support.

Son usage se développa en Europe parallèlement à celui de l’éventail sans qu’il ne relève pourtant jamais de la parure. Cantonné à l’usage privé et domestique, l’écran est parfois – comme ici avec celui que nous présentons – un objet raffiné, ravissant aussi bien l’heureuse propriétaire que le cercle le plus proche de ses amis réunis dans les boudoirs ou petits appartements.

Écran à main. Angleterre, circa 1830 - 1840. Day B., Birmingham
Écran à main. Angleterre, circa 1830 - 1840. Day B., Birmingham

La production d’écrans de cheminée en France se caractérisa par des écrans très ornés – de gravures pour la plupart – et ayant de fait une vocation pédagogique. On y apprenait l’histoire, la géographie ou bien la poésie ; ils étaient aussi de précieuses aides pour engager ou relancer une conversation.

Celui que nous présentons est une production anglaise comme l’indique l’étiquette placée sous sa base :

Écran à main par Day B., Birmingham. Visible dans « British Galleries, Room 120, The Wolfson Galleries, case 1 » © Victoria and Albert Museum, Londres
Écran à main par Day B., Birmingham. Visible dans « British Galleries, Room 120, The Wolfson Galleries, case 1 » © Victoria and Albert Museum, Londres

Gothic Revival : le Néogothique à l'anglaise

Day B. fut un prospère fabricant implanté à Birmingham. Ses créations Birmingham Gothic jouaient sur la mode du Gothic Revival (néo-gothique) en utilisant les éléments caractéristiques de ce style comme les arcs brisés et les évocations stylisées des croisées d’ogives. Bien que très courus et à la source d’une mode passionnée, ces emplois n’étaient pas toujours du goût de ses contemporains : l’architecte britannique Augustus Pugin (1812 – 1852) n’accepta jamais de voir être dévoyé le style gothique qu’il aimait tant.

Écran à main. Angleterre, circa 1830 - 1840. Day B., Birmingham
Écran à main. Angleterre, circa 1830 - 1840. Day B., Birmingham

La production du fameux Day B. à Birmingham fut un immense succès, notamment durant les années 1830 – 1840. Ses écrans à main furent si populaires qu’il fut désigné comme le fournisseur officiel de la couronne pour ces objets. Sur une production postérieure à celle de l’objet que nous présentons, Day B. obtint donc l’autorisation d’apposer fièrement sur son étiquette les armes de la maison royale d’Angleterre.

La production de ses écrins était entièrement faite de laiton moulé. Seul l’écran présentait deux qualités différentes : papier ou soie, uni ou à motifs.

Écran à main. Angleterre, circa 1830 - 1840. Day B., Birmingham
Écran à main. Angleterre, circa 1830 - 1840. Day B., Birmingham

Enfin, nous noterons que le Victoria and Albert Museum de Londres présente dans ses collections un écran à main de la même marque que le notre :

Écran à main par Day B., Birmingham. Visible dans « British Galleries, Room 120, The Wolfson Galleries, case 1 » © Victoria and Albert Museum, Londres
Écran à main par Day B., Birmingham. Visible dans « British Galleries, Room 120, The Wolfson Galleries, case 1 » © Victoria and Albert Museum, Londres

Marielle Brie
Historienne de l’art pour le marché de l’art et les médias culturels.
Auteure du blog Objets d’Art et d’Histoire