Écran à main : un objet aussi rare que curieux
Sa fragilité lui a souvent valu de ne pas supporter l’épreuve du temps, tout comme l’éventail son plus proche parent. Si leur usage est très similaire, il n’est pourtant jamais concomitant. L’éventail rafraîchit pendant les chaudes journées d’été tandis que l’écran à main protège de l’ardeur d’un feu de cheminée.
Restreint à un usage privé, l’écran à main fut moins l’objet d’une attention aux matériaux et aux motifs que ne le fut l’éventail. Cela n’empêcha pas qu’on en fabrique de fort jolis !
Ordinairement, l’écran était fait de papier ou de soie mais sans conservation précautionneuse dans un étui, il devenait bien vite la victime impuissante de l’humidité, des insectes ou des rongeurs. Sa fragilité était paradoxalement le défaut de sa qualité : puisque l’écran à main permettait de se protéger de la chaleur et des étincelles du feu, il en était aussi la première victime. C’est pourquoi on préférait aux tissus précieux l’emploi du papier qui pouvait être commodément changé. La soie était pourtant toujours préférée pour les objets les plus raffinés.
Ces risques et accidents qui menaçaient ainsi les fragiles écrans sont aussi une des raisons de la rareté de ces objets. Les écrans à main finissaient bien souvent leur vie dans l’âtre de la cheminée, car une fois le papier ou le tissu brûlé par une étincelle ou déformé par la chaleur (ou tout simplement passé de mode), la propriétaire jetait l’écran au feu, conservant uniquement son écrin et son support.
Son usage se développa en Europe parallèlement à celui de l’éventail sans qu’il ne relève pourtant jamais de la parure. Cantonné à l’usage privé et domestique, l’écran est parfois – comme ici avec celui que nous présentons – un objet raffiné, ravissant aussi bien l’heureuse propriétaire que le cercle le plus proche de ses amis réunis dans les boudoirs ou petits appartements.
La production d’écrans de cheminée en France se caractérisa par des écrans très ornés – de gravures pour la plupart – et ayant de fait une vocation pédagogique. On y apprenait l’histoire, la géographie ou bien la poésie ; ils étaient aussi de précieuses aides pour engager ou relancer une conversation.
Celui que nous présentons est une production anglaise comme l’indique l’étiquette placée sous sa base :
Gothic Revival : le Néogothique à l'anglaise
Day B. fut un prospère fabricant implanté à Birmingham. Ses créations Birmingham Gothic jouaient sur la mode du Gothic Revival (néo-gothique) en utilisant les éléments caractéristiques de ce style comme les arcs brisés et les évocations stylisées des croisées d’ogives. Bien que très courus et à la source d’une mode passionnée, ces emplois n’étaient pas toujours du goût de ses contemporains : l’architecte britannique Augustus Pugin (1812 – 1852) n’accepta jamais de voir être dévoyé le style gothique qu’il aimait tant.
La production du fameux Day B. à Birmingham fut un immense succès, notamment durant les années 1830 – 1840. Ses écrans à main furent si populaires qu’il fut désigné comme le fournisseur officiel de la couronne pour ces objets. Sur une production postérieure à celle de l’objet que nous présentons, Day B. obtint donc l’autorisation d’apposer fièrement sur son étiquette les armes de la maison royale d’Angleterre.
La production de ses écrins était entièrement faite de laiton moulé. Seul l’écran présentait deux qualités différentes : papier ou soie, uni ou à motifs.
Enfin, nous noterons que le Victoria and Albert Museum de Londres présente dans ses collections un écran à main de la même marque que le notre :
Marielle Brie
Historienne de l’art pour le marché de l’art et les médias culturels.
Auteure du blog Objets d’Art et d’Histoire
L'auteur, pour la Maison Pipat :
Marielle Brie est historienne de l’art pour le marché de l’art et de l’antiquité et auteur du blog « Objets d’Art & d'Histoire ».
Autres ressources et documentations
27 avril 2024
Les bronzes de Vienne
Objets de collection dès leur création, les bronzes de Vienne jouent l'accumulation dans des intérieurs bourgeois. Ils se font les manifestations charmantes de la réussite sociale…
29 mars 2024
Une croix du Grand Tour en micro-mosaïque
Art emblématique du Grand Tour, la micro-mosaïque rivalise avec la peinture dans ses productions les plus raffinées.
6 février 2024
Un encrier en argent massif, 1860 – 1890
Cet encrier en argent massif est à lui seul une véritable sculpture.
19 janvier 2024
Le Cuir de Cordoue ou Cuir doré
Ce cuir fameux donna ses lettres de noblesse à une production espagnole puisant généreusement dans des savoir-faire orientaux connus depuis l’Antiquité.
4 décembre 2023
Oreiller chinois de fumerie d’opium , XIXe siècle
Objet surprenant à nos yeux d’Occidentaux, les oreillers rigides chinois ont pourtant été longtemps préférés à leurs homologues en tissu.
22 novembre 2023
Buste de Georges Clémenceau (1841 – 1929)
Homme politique d'envergure, figure culturelle majeure, Georges Clémenceau croise aussi bien le premier conflit mondial que les représentants d'un art libéré des codes de…