Enfin de retour à La Rochelle, cette signature respire à nouveau le parfum des embruns ! Un temps oublié, Albert Tibulle Furcy de Lavault, que la concision réduit à Furcy de Lavault, fut un peintre en son temps encensé. Il n’est qu’à lire les éloges qu’on fit de son œil et de son œuvre dans les catalogues des innombrables expositions auxquelles il participa partout en France. 

L’ambition nationale n’était pas prétentieuse si l’on en juge le talent de cet artiste dont les ancêtres, aussi lointains que nobles, s’étaient installés en Aunis au XIIIe siècle. Si ses parents vivaient chichement, sans doute un peu du raffinement de leurs aïeuls coulait encore dans leurs veines puisque d’un ferblantier et d’une lingère naquit en mars 1847 un artiste talentueux à la palette riche et à la touche assurée. 

Retour de pêche, nature morte aux crevettes Albert Tibulle Furcy de Lavault (1847 - 1915)
Retour de pêche, nature morte aux crevettes Albert Tibulle Furcy de Lavault (1847 - 1915)

Le jeune homme apprend le dessin au collège de Saintes mais se voit employé comme peintre en bâtiment. Puisqu’à toute chose malheur est bon, un saturnisme aussi fâcheux qu’opportun lui imposa la fin de la peinture murale pour s’en retourner vers celle de chevalet. À 27 ans, il exposa pour la première fois à Bordeaux, tâtonnant entre l’influence de Corot – dont il fut peut-être l’un des rares élèves – et celle de Daubigny, avant de se révéler comme peintre naturaliste hors pair. Aujourd’hui, nous le connaissons davantage pour ses remarquables compositions de fleurs et de fruits pour lesquelles Furcy de Lavault fait montre de solides connaissances botaniques et d’une aisance admirable dans l’élaboration de sa palette. Notre tableau est pourtant la preuve que ce peintre charentais, pour avoir le goût des fruits de saison, avait aussi celui des fruits de mer. Car ce retour de pêche alléchant doit toute sa saveur à la virtuosité du peintre. Sa maîtrise savante de la lumière rend avec délicatesse les différentes matières, de la transparence du verre à l’ébréchure de cette jatte en terre, tandis que son observation naturaliste peint avec justesse huîtres, moules et crevettes dont on pourrait compter les pattes sans qu’il en manque une ! En mars 1882, Furcy de Lavault devint le conservateur du musée de La Rochelle mais continua de peindre assidûment. Sans doute, notre tableau est le souvenir d’un quotidien qui plaça notre peintre aussi bien près des cimaises que des carrelets…

Marielle Brie de Lagerac
Historienne de l’art pour le marché de l’art et les médias culturels.
Auteure du blog Objets d’Art et d’Histoire