Tout comme notre mobilier européen, le mobilier chinois se décline en plusieurs catégories et ce au sein même du mobilier haut de gamme. Dans le cas de meubles en bois précieux incrustés de nacre, il convient de les désigner sous le terme de luo-tien.

L'acajou : le remplaçant chanceux du zitan chinois

Régulièrement sur ce type de mobilier luo-tien en acajou de Chine, les ébénistes chinois incrustent avec finesse des motifs de nacre burgautée. Traditionnellement, les commanditaires privilégient les motifs auspicieux, ce qui ne manque pas d’arriver sur notre meuble.

Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle
Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle

Les deux premiers idéogrammes sur le ceinture haute du meuble désignent Lù et Fú, deux des personnages qui accompagnent Shòu. À eux trois il incarnent les Trois Étoiles du Bonheur et sont particulièrement prodigues en bonne fortune.

Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle

禄 Lù : représenté comme un mandarin, il porte un long manteau bleu ou vert, un chapeau et tient un rouleau à la main. Il est souvent entouré d’enfants et par homonymie se voit parfois remplacé par un cerf. Il est l’étoile des émoluments, des dignités officielles, des honneurs et des bénéfices pécuniaires.

福 Fú : représenté comme un fonctionnaire plein de prestance, il est vêtu d’un long manteau rouge et or et porte le chapeau assimilé à sa fonction. Il tient souvent un lingot d’or ou d’argent entre les mains. Par homonymie, il est parfois remplacé par une chauve-souris. Il est l’étoile de la prospérité et de la bonne fortune.

Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle
Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle

壽Shòu : Sur la ceinture médiane, se trouve l’idéogramme désignant la troisième Étoile du Bonheur, Shòu l’étoile de la prospérité. Il est de loin le plus important des trois, d’où sa place privilégiée sur notre meuble. Shòu est une divinité stellaire chinoise très ancienne.

Il est le seul à ne pas être inspiré d’un personnage historique et c’est bien cette ancienneté qui lui vaut une place privilégiée. Il est l’Étoile de la Longévité, reconnaissable à son long manteau aux amples manches, à son crâne chauve et bombé et à sa longue moustache blanche. Il tient dans sa main gauche un long bâton à l’extrémité tordue et dans la main droite une pêche d’immortalité. Par homonymie, il est parfois remplacé par un pin.

À proximité du nom des ces trois personnages, la marqueterie de nacre figure leurs attributs. Le hu de Lù, une tablette cérémonielle qui était traditionnellement maintenue devant le torse des fonctionnaires lorsqu’ils s’approchaient de l’empereur. Le ruyi (une sorte de sceptre) et le lingot sont les attributs de Fú. Les tablettes représentées sur les tiroirs sont probablement celles sur lesquelles Shòu inscrit les dates de vie et de mort de chaque être humain.

Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle
Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle

Sur les portes, des symboles du printemps annonce l’arrivée de cette saison du renouveau de la nature et de sa prodigalité tandis que les branches de prunus en fleurs sont un symbole auspicieux.

Les papillons présents à plusieurs endroits du meuble sont un symbole de joie apparaissant avec l’été. Volant souvent en couple, le papillon est un des emblèmes chinois de la fidélité conjugale.

Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle
Cabinet chinois en acajou et nacre, XIXe siècle

Enfin, la chauve-souris – « fú » en chinois – est un homonyme de Fú, l’Étoile de la Prospérité et de la Bonne Fortune. Elle hérite indirectement des vertus supposées de son homonyme et incarne la chance dans les cultures chinoises. 

Parvenu jusqu’à nous en parfait état et sans manque à sa marqueterie, ce meuble chinois ou d’influence chinoise servait de petit meuble de rangement, peut-être pour une pièce élégante dans laquelle se tenait la cérémonie du thé ou celle de l’encens. Fut-il rapporté pour satisfaire l’engouement pour le japonisme en Europe ? À cette époque, cet engouement mélangeait encore maladroitement les productions de ces deux pays voisins… Quoi qu’il en soit, l’essence d’acajou et les pratiques d’ébénisterie chinoises ne laissent aucun doute sur la datation de ce meuble de la seconde moitié du XIXe siècle. 

Marielle Brie de Lagerac
Historienne de l’art pour le marché de l’art et les médias culturels.
Auteure du blog Objets d’Art et d’Histoire