Mobilier Haute-Époque : rareté, savoir-faire et authenticité

Rares sont ceux capables de maîtriser parfaitement les remous historiques de cette longue période qui couvre près quatre siècles. Les dynasties et les jeux de pouvoir sont complexes, les frontières mouvantes, les échanges fructueux, les styles artistiques riches et poreux. Du XIIIe au tout début du XVIIe siècle, le mobilier est précisément mobile puis se sédentarise peu à peu. Il puise dans des influences multiples une créativité remarquable qui s’exprime dans une large palette d’artisanats.

Les productions de cette époque sont rares, et de fait, prisées tant par les connaisseurs que les collectionneurs avertis. La rareté appelant la copie, l’acquéreur d’une pièce Haute-Époque devra se montrer pointilleux quant à l’authenticité des meubles et, si besoin, faire appel à un professionnel capable de l’orienter dans l’acquisition d’une pièce médiévale.

Les meubles les plus prisés de la Haute-Époque

Naturellement, certaines pièces sont plus convoitées que d’autres, aussi que plus fréquentes. Les us et coutumes, les habitudes culturelles de la période et de chacune des sous-périodes qui la composent sont ainsi à prendre en considération pour évaluer la qualité des pièces d’antiquité.

Les coffres : entre utilité et prestige

Utilisés pour le rangement, le transport et même comme sièges, les coffres sont des pièces emblématiques du mobilier Haute-Époque. Sobres ou richement décorés, ils témoignent du statut social de leur propriétaire et de la période à laquelle ils ont été créés.

Du simple pli de serviette aux riches enroulements de feuilles d’acanthes, mascarons et autres têtes zoomorphes chers à la Renaissance, en passant par le vocabulaire iconographique religieux, les coffres se déclinent, du plus petit au plus grand, selon toutes sortes d’usages : transport d’armes d’objets ou d’habits, coffre de mariage ou liturgique.

Ils sont en bois, dans des essences indigènes et présentent parfois de riches ferrures et/ou  des serrures ouvragées.

Long coffre d’armes, XVIIe siècle
Long coffre d’armes, XVIIe siècle

Les dressoirs et crédences : vitrines de pouvoir

Si les deux-corps d’Ancien Régime héritent directement de ces meubles de prestige, les pièces Haute-Époque avec frontons, colonnes et décors historiés, sont particulièrement recherchés sur le marché de l’art. Réservés à l’usage de l’aristocratie et de l’Église, ce mobilier couteux servaient à exposer des objets précieux, en particulier des pièces d’orfèvrerie.

Dressoir aux harpies, Île-de-France ou Bourgogne, circa 1570-90 (restaurations XIXe) © MET Museum
Dressoir aux harpies, Île-de-France ou Bourgogne, circa 1570-90 (restaurations XIXe) © MET Museum

Bancs-coffres et chaires à dos : une esthétique élancée

Typiques des grandes salles de réception seigneuriales, ces pièces allient fonctionnalité et ostentation. Ils sont régulièrement ornés avec goût de motifs décoratifs à la mode, d’emblèmes héraldiques ou de scènes bibliques. L’iconographie est souvent inventive et les scènes représentées permettent régulièrement d’identifier le contexte d’usage du meuble.

Banc-coffre français, XVe siècle © MET Museum
Banc-coffre français, XVe siècle © MET Museum

Tables médiévales : robustesse et rareté

Très prisées pour leur intemporalité et leur patine unique, les tables à tréteaux, celles à piètement tournés ou issus des communautés monastiques sont de véritables raretés. Imposantes ou, au contraire, de petites dimensions, ces tables robustes à l’épreuve du temps donnent aux pièces dans lesquelles elles se trouvent une force de caractère qui n’appartient qu’à elles.

Table en noyer haute époque, France, XVIe siècle
Table en noyer haute époque, France, XVIe siècle

Un marché soutenu par les collectionneurs avertis

Les amateurs de mobilier Haute-Époque auront à cœur de privilégier les pièces avec une belle patine d’origine et un minimum de restauration. Les ventes aux enchères spécialisées et les salons comme le TEFAF Maastricht ou le Salon Fine Arts Biennale (FAB) voient régulièrement passer des pièces de mobilier dont la qualité se monnaye parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros. La provenance, l’état et l’authenticité jouent un rôle déterminant dans l’évaluation de leur prix. À cela s’ajoute le renouveau d’un goût pour l’art ancien, apprécié des jeunes collectionneurs qui brisent ainsi la monotonie des intérieurs modernes.

Comment reconnaître un meuble authentique ?

Si vous n’êtes pas accompagné d’un professionnel averti, il est sage de faire preuve de sang froid dans un marché où les faux et les pastiches du XIXᵉ siècle sont nombreux. Plusieurs éléments doivent tout d’abord être considérés :

Les assemblages : queues d’aronde, chevilles en bois, tenons-mortaises, sans colle industrielle sont évidemment des évidences du mobilier Haute-Époque. Les techniques de fabrication médiévales, les traces d’outils, la considération des essences employées sont autant de subtilités qui ne s’acquiert qu’à force d’expérience et d’études. Pour vous aidez, demandez conseil à un professionnel du mobilier ancien.

La patine : l’usure doit être cohérente, tout comme les marques d’usage et les taches. Il faudra raisonnablement se méfier d’une  trop grande homogénéité, souvent suspecte.

Les ferrures : les clous sont forgés, les serrures ordinairement réalisées en fer battu. Les charnières doivent être d’époque.

La provenance : une traçabilité documentée (inventaires, catalogues anciens) est un gage de confiance et permet au collectionneur débutant de sécuriser son achat. Toutefois, l’expertise est incontournable. Il est conseillé de faire appel à un spécialiste agréé ou à un laboratoire d’analyse (par exemple via la dendrochronologie) pour toute acquisition d’envergure.

Où admirer du mobilier Haute-Époque en France ?

La France ne manque pas d’instituions muséales présentant dans leurs collections des pièces de mobilier Haute-Époque.

Le musée national de la Renaissance au château d’Écouen abrite des pièces majeures dont des crédences sculptées, des coffres décorés ou encore des sièges d’apparat.

Le musée de Cluny, musée national du Moyen Âge, à Paris, propose de plonger dans la vie matérielle médiévale grâce en parcourant les salles où sont exposés des meubles civils et religieux, des œuvres d’art exceptionnelles aussi bien que des objets quotidiens.

Le Musée des Arts décoratifs, toujours à Paris, conserve également des ensembles mobiliers remarquables. Les musées des châteaux de Blois, Pierrefonds ou encore les musées diocésains d’Autun, de Tulle ou de Narbonne offrent aux visiteurs l’occasion de découvrir des trésors souvent méconnus mais d’une qualité exceptionnelle. Ces lieux jouent un rôle essentiel dans la conservation, l’étude et la diffusion de cet héritage artistique. Les conservateurs, sociaux d’enrichir et de valoriser les collections patrimoniales françaises effectuent un travail de veille du marché de l’art et acquièrent régulièrement, au nom de l’État, des pièces remarquables pour leur qualité, leur histoire et leur provenance.

Le particulier désireux d’acquérir une pièce Haute-Époque est invité à participer à la transmission de ce patrimoine vivant en en prenant soin avec respect. Il évitera les restaurations grossières, non indispensables et dommageables afin de préserver la matière et la mémoire de l’œuvre et prendra ainsi, à la suite de ses prédécesseurs, sa place dans l’histoire séculaire de chacun de ces meubles.

Buffet français ou du sud des Pays-Bas, fin XVe / début XVIe siècle © MET Museum
Buffet français ou du sud des Pays-Bas, fin XVe / début XVIe siècle © MET Museum